Gus Lopez, le célèbre collectionneur américain, était récemment à Paris durant deux journées lors de son transit vers la Tunisie, ainsi qu’à son retour. Etant en contact depuis pas mal de temps, nous n’avions jamais eu l’occasion de nous rencontrer et de converser dans le "monde réel" ; ce qui fût donc fait le 11 février, puis plus longuement les 19 & 20 février 2007.

L’interview qui va suivre a été réalisée par votre dévoué Chiquetaba, le 19 février au soir, après un bon repas (en sirotant un bon digestif) dans un lieu réputé de la capitale, le restaurant Le Louchebem (Paris – les Halles). Cette interview, que Gus a accordé avec gentillesse à MIB pour les collectionneurs francophones vous permettra de découvrir bien plus qu’un collectionneur, quelqu’un d’enthousiaste et très impliqué dans la communauté Star Wars.

- Gus, les collectionneurs Français te connaissent via la fameuse archive SW (www.theswca.com), c’est un plaisir de nous consacrer cette interview. Sans indiscrétion, quel âge as-tu et quelle est ta profession, y-a-t-il un rapport avec Star Wars ?

J’ai 41 ans, je dirige une équipe de développement pour amazon.com, rien à voir avec Star Wars. Toutefois, je travaille de temps à autre en freelance pour le site starwars.com et le magazine SW Insider, et je fais un peu de volontariat pour les événements (ex. Celebration) sur mon temps libre.

- A quel âge et comment as-tu découvert Star Wars, quelle a été ton appréciation à l’époque ?

A l’été 1977, la science-fiction n’était pas trop mon truc avant ça, mais le film m’a paru si révolutionnaire, les monstres, les héros, les effets spéciaux… cela m’a tout de suite semblé être un immense domaine pour la collection.

- Y-avait-il déjà un esprit de collectionneur dès tes premiers jouets ?

Oui, dès le départ. Mais il n’y avait vraiment pas grand chose de disponible, j’ai collectionné les cartes Topps, quelques puzzles, les posters Hildebrant, bref j’achetais tout ce que je pouvais trouver, et bien entendu le early bird kit dès qu’il fut en rayons.

- Quel genre de collection avais-tu lorsque tu as eu tes derniers jouets d’enfant ?

J’avais toutes les figurines jusqu’à la vague Retour du Jedi, j’avais également les Trading cards, les posters, l’intégralité des comics, et la souscription au Fan Club (et sa newsletter) jusqu’au milieu des années 80.

- Et, à quel âge as-tu repris, quel a été le déclencheur ?

En 1989, j’ai déménagé à Seattle ; J’habitais à côté de quelques magasins de jouets de collections et j’y ai découvert toutes les figurines POTF que j’avais manquées. Mais je ne voulais pas me relancer dans la collection sans avoir remis la main sur mes jouets d’enfance et savoir exactement ce qui me manquait. Après avoir cherché de nombreuses reprises chez mes parents, je finis par les trouver en fouillant une pièce ou ma mère m’avait toujours dit que ça n’y étais pas. J’ai commencé à collectionner très sérieusement vers 1991/92 avec Toy shop magazine.

- A l’époque ebay n’existait pas, certains magasins aujourd’hui mondialement connus non plus d’ailleurs, comment fallait-il s’y prendre ?

La principale source était justement Toy Shop Magazine, c’était vraiment L’endroit pour le collectionneur, on y trouvait des jouets et des vendeurs du monde entier, jusqu’en 1999, quand eBay a vraiment pris le dessus. Je passais des annonces dans les journaux et magazines pour acheter des collections, si bien que j’eu une collection vintage complète en un rien de temps. J’étais encore étudiant à cette époque et je n’avais pas beaucoup d’argent; Acheter des collections pour les revendre en tout ou partie me servait à financer ma propre collection. Acheter des lots, et donc des objets que je ne collectionnais pas spécialement, a aussi contribué à étendre mes goûts de collection, et m’a embarqué sur d’autres domaines (par ex. la Micro Collection).

- Comment t’es venu l’idée du site ToysRGus ?

Nous avions tout un réseau de collectionneurs, et aussi au travers des Newsgroups (note SF: ces newsgroups sont encore aujourd’hui consultables et on y trouve la préhistoire des forums de collectionneurs). Au fur et à mesure que nous faisions des trouvailles, nous avions besoin d’un endroit pour partager des images et de l’information, une sorte de musée du "best of the best" de la collection Star Wars ; ce qui donna naissance au site en 1994.

- L’équipe est d’ailleurs composée de plusieurs « personnalités » du monde de la collection. Les éditeurs du site sont très éloignés géographiquement, et vous semblez être devenus de vrais potes. Comment s’est créée cette alchimie ?

C’est en partie lié à l’expansion d’Internet, des communautés se créent sur n’importe quel domaine, entre des gens partageant les mêmes centres d’intérêt ou préoccupations. Les ados qui échangeaient sur ces newsgroups sont devenus des experts, toute une génération de collectionneurs.

- Le succès de l’archive Star Wars est tel que des milliers de collectionneurs y contribuent spontanément, est-ce que la charge de travail est conséquente ? Combien de visiteurs y-a-t-il par mois ?

Nous avons arrêté de compter après avoir passé la barre des 2 million de visiteurs uniques, il y a un trafic énorme. Le principal challenge est d’arriver à suivre le nombre de soumissions pour l’archive, et de rattraper le backlog. Le contenu de l’archive est conséquent, le travail d’une communauté, ce qu’aucun collectionneur ne pourrait accomplir seul. Pour nombre de personnes, c’est aussi un honneur, ou une reconnaissance d’être listé et de pouvoir présenter leurs acquisitions. Enfin, la base de données est l’amélioration la plus récente, elle permet de lister et de faire des références croisées.

- A part ça, ce n’est pas la première fois que tu viens en France, plus précisément à Paris. Que peux-tu nous dire de cette ville en tant que visiteur ?

Je ne suis pas venu depuis plusieurs années, mais j’y ai déjà passé plusieurs semaines sur plusieurs voyages. J’adore Paris, j’ai visité à peu près tous les endroits, c’est l’une des quelques villes au monde où l’on peut passer des semaines sans s’y ennuyer.

- Tu reviens de Tunisie, c’est loin d’être ton premier voyage, qu’à tu encore à y faire ;-) n’as-tu pas assez de sable dans ton sous-sol (rires) ?

C’est la 4ème fois que je m’y rends, mais je n’y étais pas allé depuis 7 ans (ce n’est d’ailleurs pas forcément une bonne période pour les américains de voyager dans ces pays) et je n’ai pas vu les décors de l’Episode II. La Tunisie n’est comparable à aucun autre lieu de tournage, on se sent réellement comme sur Tatooine. Nous sommes restés à l’hôtel Sidi-Driss (la maison des Lars) et nous avons visionné une partie du DVD installés à l’endroit même du tournage, cela procure une sensation ! Tout fan de Star Wars devrait visiter ces endroits.

- Penses-tu avoir visité tous les endroits où il y a eu des tournages de Star Wars ? Comment se passe la découverte d’un lieu, est-ce toujours évident que Star Wars était là ?

Je n’ai pas encore tout vu, il me reste par exemple Tikal au Guatemala (Yavin dans l’Episode IV), Caserta à Naples et d’autres endroits ou ce n’est pas très évident de déterminer ce qui a été tourné. Quelques fois, c’est évident que Star Wars est passé par là, notamment en Tunisie où des parties entières de décors sont restées en l’état. D’autres endroits disparaissent avec le temps, comme l’emplacement du squelette (Episode IV), du Sandcrawler (remplacé par un parking) ou encore la forêt de Redwood aux USA (Episode VI).

- Revenons sur ta collection, par quoi as-tu commencé ? Comment en es-tu venu à collectionner tout ce que tu possèdes aujourd’hui : boîtes de nourriture, prototypes diverses, disques d’or, objets de tournage (cast&crew), accessoires de tournage, autographes ?

J’ai débuté avec les figurines loose, puis je me suis mis à collectionner des objets que j’ai découverts au fur et à mesure, comme par exemple les disques d’or. En ce qui concerne les jouets, j’ai contacté les employés de Kenner (notamment en charge des prototypes) alors que personne ne s’intéressait aux prototypes. Il y a également les boîtes de céréales ou les yearbook (sorte de trombinoscope des élèves de Fac), très peu de gens s’intéressent à ça, mais c’est amusant à collectionner.

- Certains collectionneurs français nous ont posé quelques questions à ton attention… collectionnes-tu des gammes postérieures à 1995 ? Si oui lesquelles ?

Oui, j’ai toutes les figurines jusqu’en 2005 mais j’ai arrêté, trop de sorties et trop de problèmes de stockage. Je collectionne aussi les Master Replica, Gentle Giant, Animated maquettes, sideshows large Action Figures, animation cells, cast & crew items, et boîtes de céréales de 1977 à nos jours.

- Quelle est la pièce de collection favorite et la plus rare, si tu peux nous le dire bien entendu ?

Il m’est difficile de donner ma préférence, car mes gouts varient avec le temps. La pièce la plus impressionnante de ma collection est sans aucun doute la maquette de l’Etoile Noire qui est celle utilisée dans l’Episode IV. D’une manière générale, je suis plutôt attiré par les objets différents, peu communs. Je possède des centaines d’objets qui sont uniques (sculptures de pièces, de figurines, illustrations originales…), c’est donc très difficile de juger lesquels sont les plus rares. Je suis aussi assez fier de posséder les playset playskool non produits, 4 sur les 6 répertoriés au monde (ces prototypes sont montrés dans le livre de S. Sansweet d’après des photos d’archive Kenner, et j’ai réussi à me procurer les objets originaux).

- Certains collectionneurs se demandent combien de boites de céréales tu possèdes, une idée ?

Environ 1300 (1265 je crois, pour être plus précis).

- Quels sont les « plus beaux » prototypes de jouets originaux de ta collection ?

Les playsets Micro Collection non produits, toutes les figurines Ewoks et Droids non produites (seulement 3 sets complets répertoriés au monde), les poupées vintage 12 pouces non produites, leurs boîtes, ainsi que les panoplies additionnelles qui étaient prévues, et enfin le "rocket-firing" Boba Fett et la boîte de rangement C3PO en boîte Droids.

- Justement, comment peux-tu être absolument sûr de l’authenticité de tous ces objets presque uniques ?

Je connais la source, la traçabilité et l’histoire de chaque objet. D’ailleurs la plupart ont été acquis directement auprès d’employés de Kenner qui les avaient conservés, c’est préférable car certains prototypes (ex. les panoplies de poupées) seraient trop faciles à reproduire.

- T’intéresses-tu aux collections étrangères ? Si oui, de quelles gammes / types d’objets ?

Oui, j’adore les objets étrangers, j’aurais aimé avoir les gammes Canadienne, Clipper et Palitoy, mais le temps m’a manqué. Alors, je sélectionne juste des choses ici et là dans les gammes étrangères, par exemple je possède l’Etoile Noire cartonnée en boîte de près de 10 pays différents. Et même si je ne collectionne pas toutes les gammes étrangères, je suis toujours très intéressé de voir des collections.

- Et enfin, es-tu encore aujourd’hui aussi passionné que tu l’étais au début de ta collection ?

Je pense que oui. Chaque année j’annonce à ma femme que je vais ralentir un peu car je finis certains domaines de ma collection, et chaque année je m’enthousiasme pour quelque chose de nouveau (rires). Toutefois, j’achète moins de choses en quantité, mais des choses plus importantes, je fais une sélection.

- Quel conseil pourrais-tu donner aux collectionneurs francophones ?

Suivez votre instinct, ce qui vous intéresse réellement, sans vous préoccuper des avis des autres. Même si ce que vous collectionnez ne vaut rien et ne vaudra jamais rien, vous ne vous en lasserez jamais si c’est ce que vous aimez. Il faut également commencer doucement et être très patient.

- Est-ce que toute ta collection est présentée sur ton site ?

Non, le site SWCA ne présente que des choses réellement intéressantes à montrer.

- T’arrive t-il, aujourd’hui encore, d’apprendre des choses sur la gamme Kenner ?

Oui, tout le temps ! Le tout dernier exemple concerne le prototype de figurine "Luke in Robes". J’ai cette figurine depuis des années et l’employé de Kenner m’avait dit qu’il s’agissait d’une nouvelle version de Luke Jedi prévue pour la gamme Power of the Force en 1985. Hors, grâce au livre "Meccano to Trilogo", nous avons tous finalement appris que cette figurine était déjà photographiée dans le catalogue Meccano 1983, ce qui prouve que c’était en fait une pré-sculpture du Luke Jedi original.

- Quelles sont tes relations avec S. Sansweet, G. Lucas, J. Kellerman ?

Je n’ai jamais rencontré George, mais Steve et John sont de très bon amis, nous nous rendons visite de temps à autre, nous faisons des échanges et nous nous entraidons. Ils ont également des objets présentés sur l’archive.

-Est-ce ton site s’enrichira un jour des gammes modernes, ou reste t-il consacré au vintage ?

Il y a déjà pas mal d’objets modernes, et nous venons d’ajouter une base de données comprenant plus de 7500 entrées. Tous ces objets sont référencés mais il n’y a pas forcément un article ou une photo pour chaque. Pour l’archive nous devons penser long terme et le moindre objet n’est pas forcément intéressant à voir, d’autres sites le font déjà très bien. Cependant, si vous tapez le nom d’une figurine sous Google, il y a de fortes chances que le premier lien pointe vers la SWCA.

- Sans nous dévoiler tout tes secrets de collectionneur, comment as-tu pu dénicher autant d’articles rares, de prototypes de jouets, de props de films etc ? Certaines histoires sont d’ailleurs incroyables, comme les fameux décors du bunker du Retour transformés en palissade de jardin.

Les réseaux de relations, cela représente un potentiel énorme. Contactez les gens pour voir ce qu’ils ont conservé, si vous êtes débrouillard vous arriverez à vos fins. La collection c’est un peu comme une conquête ou tout le monde est sur la même ligne de départ.

- Il paraît que tu travailles sur un livre, est-ce le premier ? Peux-tu nous en parler ?

Ce sera mon premier livre, co-écrit avec Duncan Jenkins, il s’agit d’un nouveau Guide pour le collectionneur Star Wars. Cela fait plusieurs années qu’il n’y a pas eu un nouveau Price Guide pour les objets Star Wars. La sortie est prévue pour l’été 2007, il référencera 75000 objets de tous horizons, plus 10000 photos sur 1000 pages !!

- Avec le C4 qui se profile très prochainement, penses-tu venir à la Celebration europe à Londres ? Sais-tu si beaucoup de collectionneurs américains seront présents ?

Je serai présent à la Celebration Europe. Je connais au moins dix collectionneurs réputés qui viendront des USA, du Mexique, du Canada et d’Australie pour l’occasion, mais il y en aura certainement beaucoup d’autres.

- Es-tu impliqué de quelque manière que ce soit dans cet événement ? (Celebration Europe) ?

Oui, je suis en charge du "Collecting Tracks", comme je le fait depuis le C1 et encore cette année pour le C4. Il s’agit de speechs, de présentations, et d’activités diverses pour les collectionneurs (trivia, évènements, rencontres, partage de collections…). Nous sommes juste en train de boucler l’organisation pour le C4 et nous allons d’ici peu commencer à travailler sur le Celebration Europe. Nous allons tenter de mettre l’accent sur la diversité offerte par les produits Européens. Enfin, il y aura, comme pour les conventions U.S., des produits limités réservés aux collectionneurs présents sur le salon, mais je ne peux en dire plus pour l’instant.

- Pour les collectionneurs français qui seraient encore indécis sur leur venue, peux-tu dire en quelques mots/lignes pourquoi cet événement ne doit pas être manqué ?

Tout le monde doit venir, nous attendons tous les collectionneurs et fans de Star Wars. Il y aura de nombreuses choses à voir en plus du salon. La plupart des collectionneurs qui sont déjà venus à ces évènements ont eu l’opportunité de créer des contacts, et c’est aussi un avantage extraordinaire pour apprendre et partager, sans oublier bien entendu la dealers room (salle des vendeurs).

- Ta collection sera-t-elle un jour considérée comme terminée ?

Je pense que cela ne finira jamais, "it’s open-ended" (terme anglais indiquant que c’est terminé, mais toujours ouvert aux opportunités).